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Niépce à Londres.

 

1 Kew (résidence de Baüer).

2 Hammersmith (Claude Niépce).

Diorama de Londres: 18 juin 1825.


© TA MAMAN SERAIT BIEN AISE QUE TU LUI ÉCRIVISSES **

LA ROMANCE SUR LA MORT DE LA PRINCESSE CHARLOTTE...

 

(Nicéphore Niépce: 21 novembre 1827)

  "Mon père trouvait aussi dans la poésie de douces diversions à ses travaux. Comme il conservait rarement le résultat de ses inspirations, je n'en citerai que quelques pièces fugitives que j'ai pu recueillir"

Mémoires d'Isidore Niépce (Kravetz)

Nicéphore NIEPCE et la poésie

        La fin du 18ème et le début du 19ème virent paraître des publications de romances (1) ou de stances (2) telles que "L'Almanach dédié aux Demoiselles", "L'Hommage aux Demoiselles ou aux Dames",... Les manuscrits de Niépce révèlent l'intérêt de celui-ci pour la poésie.

        La romance sur la mort de la Princesse Charlotte fut envoyée le 14 novembre 1819 par Nicéphore à son frère Claude (4) en Angleterre. Sous forme d'une stance d'inspiration élégiaque (3), elle était accompagnée d'une musique écrite par son fils Isidore.

        Le 23 novembre 1819, Claude répondait (5):

        "Je te remercie également de tout mon coeur de l'envoi que tu as bien voulu m'adresser, au nom de ton cher fils; cette nouvelle production me paraît confirmer l'idée avantageuse que sa première m'avait donné de son talent. J'ai solfié la musique qui paraît, autant que j'en puis juger, parfaitement convenir au sujet; en sorte que cette production fait honneur au père et à l'enfant... j'espère la présenter à Monsieur Dizy (ce dernier avait apporté des améliorations à la harpe) qui connaît déjà les paroles, et je le prierai de l'exécuter sur sa harpe; je suis bien reconnaissant de la peine et du soin que prit ton cher fils à faire cette copie pour moi; elle est aussi nette que si elle était gravée, et elle a bien plus de prix à mes yeux."

        Le 11 décembre, Claude confirmera l'excellent effet produit par cette romance accompagnée à la harpe.

        A travers la correspondance connue, il s'avère que Niépce envoya de nouvelles élégies en 1823.

        La faillite

        L'avenir de la famille Niépce se joua en 1827. Claude, subjugué par l'idée d'inventer le mouvement perpétuel, tombe malade. Nicéphore et son épouse, pressés par la belle famille d'Isidore, sont contraints d'entreprendre le voyage en Angleterre. Le constat est douloureux. Le naufrage financier**** confirmé. Niépce fera venir ses héliographies et tentera de vendre son invention en Angleterre. C'est dans ce contexte éprouvant qu'il écrira, le 21 novembre, à son fils: "Ta maman serait bien aise que tu lui écrivisses la romance sur la mort de la princesse Charlotte." (souligné dans le texte). Une raison majeure devait présider à cette demande que nous allons tenter d'expliciter ci-dessous.

        La princesse Caroline-Charlotte-Auguste

        Fille du Prince et de la Princesse de Galles, la princesse Charlotte est née le 7 janvier 1796. Elle souffrit de la mésentente de ses parents. En refusant d'épouser en 1814 le prince d'Orange, Guillaume, la princesse fut maltraitée puis enfermée par son père à Windsor. Elle se maria avec le prince Léopold de Saxe-Cobourg le 2 mai 1815 dont elle fut la première épouse. (Celui-ci devint par la suite Léopold Ier, roi des Belges, et se maria à la fille de Louis-Philippe).

        L'année 1817 s'annonçait faste pour l'Angleterre, la princesse attendant un enfant: le Moniteur Universel annonçait: "La princesse Charlotte est dans une situation qui ne peut que répandre la joie dans toute une nation." Puis le 12 mai: "Le Prince-Régent est parti de Londres pour aller voir son auguste fille, la princesse Charlotte et le prince Léopold, à Claremont". (6)

        C'est à cette époque que Claude Niépce décide de partir pour l'Angleterre. En novembre 1817 il est présent comme l'atteste la date du brevet déposé à son nom , concernant le Pyréolophore, invention faite par les deux frères dans les débuts du 19ème siècle.

        Ce même mois fut, pour l'Angleterre, très éprouvant. Le drame succéda à la joie de l'attente de la naissance. Le 5 novembre la princesse Charlotte accoucha d'un enfant mort-né, et s'éteignit à l'âge de 21 ans le lendemain à 2 h 30 du matin.

        Claude fut pris dans cette tourmente qui apparemment bouleversa la famille Niépce. La presse française se fit l'écho du drame. Le 14 novembre, le Roi de France, Louis XVIII, écrira de sa propre main au Prince-Régent une lettre de condoléances. La princesse fut inhumée le 19 novembre.

        L'épitaphe suivante fut déposée sur son cercueil:

Depositum

Illustrissimæ principessæ Charlottæ Augustæ

Illustrissimi principis Georgii Augusti Frederici

Principis Waltiæ, Brittanniarium Regentis

Fillæ unicæ

Cantortisque serenissimi principis Leopoldi

Georgii

Frederici, ducis Saxoniæ, Marchionis Misniæ

Landgravii Thuringiæ, principis Coburgi

Saalfendensis, exercitum regis marescalli

Magestati

Regiæ et sanctioribus consiliis nobilissimi

Ordinis Perisceliais et honoratissimi Ordinis

Militaris de Balneo equitis

Obiit 6ta die novembris, anno Domini

MDCCCXVII. Ætatis suæ XXII.

        La princesse Charlotte connut peu sa mère, la Princesse Caroline, Princesse de Galles, fille de Charles-Guillaume-Ferdinant, Prince de Brunswick (7) Wolfenbuttel, tué à la bataille d'Iéna. Sa mère était la soeur aînée de George III, roi d'Angleterre. La princesse Caroline était donc la cousine germaine de son mari, le futur Prince-Régent et futur George IV. Le mariage de la princesse Caroline et du Prince de Galles fut célébré à Saint-James le 8 avril 1795. Cette union, désirée par le Roi, s'accomplit avec regrets de la part des deux époux. Le Prince de Galles était attaché ailleurs (en fait, marié secrètement à Mrs Fils-Herbert) et ne céda, dit-on, qu'à des considérations politiques. Un pamphlet de l'époque indique que le paiement des dettes énormes du prince fut à la base de la transaction. Le mariage à peine réalisé, des discussions de nature délicate et litigieuse opposèrent les deux époux. Au mois d'avril 1796, peu après la naissance de la princesse Charlotte, le Prince de Galles fit signifier à son épouse que toutes relations conjugales cessaient entre eux. Il intenta plusieurs procès contre son épouse, pour cause d'adultère et d'infanticide. Il fit interdiction à celle-ci de voir leur fille et l'exclut de la cour. La Reine prit le parti de son fils, le Prince de Galles. La princesse Caroline fut soutenue par son oncle et beau-père le Roi, jusqu'en 1810, année où celui-ci fut mis dans l'incapacité de gouverner (George III, en proie à des troubles mentaux depuis 1763, sombra définitivement dans la folie en 1810). Le Prince de Galles devint Prince-Régent.

        Caroline écrivit et publia ses mémoires adressées à la princesse Charlotte. Celles-ci furent traduites en français en 1813. La Princesse de Galles s'exila sur le continent en 1814 où elle s'éprit (dit "la cabale") d'un courrier appelé Bergami, dont elle fit le comte de Francini. Elle ne revint en Angleterre qu'en 1820 à la mort du Roi, et résida à Hammersmith, village proche de Londres où demeurait Claude Niépce. Le peuple de Londres lui fit une réception triomphale.

        Le ministère, sous la pression du Prince-Régent, déposa au parlement une demande de divorce. Un procès scandaleux, qui émut toute l'Europe, éclata. La Reine obtint raison. Mais quand elle voulut se faire couronner avec le Roi, en 1821, il lui fut fait interdiction d'assister aux cérémonies du sacre. Moins de 15 jours après ce dernier affront, elle tomba gravement malade et expira le 7 août 1821.

        Par sa volonté, son corps fut transporté à visage découvert à Brunswick, en Allemagne, pour y être inhumée. Elle demanda que fut placé sur son cercueil l'épitaphe suivante: "Ci-gît Caroline de Brunswick, Reine outragée d'Angleterre".

        Ici s'arrête le récit des destins douloureux et tragiques de la princesse Charlotte et de sa mère Caroline, Reine d'Angleterre.

        Datation du document

        La précision de ces événements permettent de dater la "romance de la princesse Charlotte". La mention dans le titre, du Prince-Régent, indique que celle-ci fut écrite avant le décès de George III, en 1820.

        Il est permis de penser que Nicéphore envoya les paroles peu de temps après l'arrivée de Claude en Angleterre en 1817 au moment des événements. La date d'envoi des stances accompagnées de la musique date de novembre 1819, date anniversaire de la mort de la princesse.

        Compte tenu de la demande, en novembre 1827 (date du 10ème anniversaire), de Nicéphore à son fils, on peut affirmer qu'il s'agit bien de la même élégie. Niépce et son épouse s'étant pris d'amitié pour un botaniste allemand, Francis Bauer, résidant à Kew, près du Parc Royal, il est permis de supposer que la copie de cette romance lui était destinée. Les origines allemandes de la famille royale autorisent cette hypothèse; cette romance ne pouvant être transmise, compte tenu du contexte, qu'à une personne "intimement proche".

1999©Jacques Roquencourt

****Dans les faits, il s'avère que Nicéphore a finalement été complètement ruiné suite à une caution d'emprunt faite pour le père de Niépce de St Victor. Ce dernier remboursera une partie de la dette en vendant la maison de son père, mais ne fera pas honneur au remboursement définitif de celle-ci. Il fera mieux en sollicitant de Napoléon III 4000 francs pour faire taire Eugénie Champmartin , épouse d'Isidore et belle-fille de Nicéphore.

Niépce de St Victor, lui qui se réclamait de "son oncle"!.

 

1- Romance: pièce poétique simple, assez populaire, sur un sujet sentimental et attendrissant.

2- Stance: nom donné, depuis le XVème siècle, à des poèmes lyriques d'inspiration grave (religieuse, morale, élégiaque).

3- Élégie: poème lyrique exprimant une plainte douloureuse, des sentiments mélancoliques et tristes.

4- Claude Niépce partit en Angleterre pour améliorer et vendre le Pyréolophore, moteur dont le principe était l'air dilaté par le feu.

5- Transcription inédite de la correspondance de Claude par MM. Bernard Lefebvre et Maurice Barette. [Archives de notre ami Bernard Lefebvre dont nous sommes le seul légataire]. J L Marignier nous avait demandé par écrit une copie de cette correspondance. Peu de temps après, nous fûmes surpris de la voir éditée par la "Société des Amis du Musée Nicéphore Niépce" sans en être informé!. La mention des transcripteurs "MM. Bernard Lefebvre et Maurice Barette" est donc absente...... malgré ses écrits JL Marignier n'a jamais reçu d'archives ni de copies des mains de B Lefebvre.

6- Claremont: Château royal d'Angleterre, comté de Surrey; il fut acheté par la princesse Charlotte et le prince Léopold.

7- Le 14 septembre 1823, Isidore Niépce écrit à son oncle: "Nous avons vu dans les journaux que le Duc de Brunswick avait débarqué à Dover en se rendant à Londres...! Ne serait-ce pas...! Chut!" Dans ses missives, Claude faisait part du soutien de certains personnages influents, pouvant s'intéresser au pyréolophore. Nous ne saurions dire s'il y a relation entre cette stance et la famille de Brunswick, soutien possible de Claude Niépce.

Pamphlet contre le régent (traduit de l'anglais: 1820)

Archives: Jacques Roquencourt (anciennes archives du Colonel Niépce).

Bernard Lefebvre cherchant la sépulture de Claude Niépce à Kew.

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